"Film de montage réalisé à partir de vieux rushes trouvés par hasard : des pornos des années 30 en noir et blanc, des défilés de soldats à Moscou pendant une commémoration d'Octobre dans les années 50 et une corrida, ces deux derniers documents en couleur.
Pas plus d'une demi-seconde (12 images) ne passe dans le film de façon continue : chaque type de document est soit alterné à lui-même dans le désordre, soit à des images des autres documents. Ce découpage très serré, le désordre, les inversions (droite/gauche, bas/haut), l'alternance de la couleur et du noir et blanc, produisent respectivement et ensemble : des effets d'animation sur le temps, des réversibilités et des redoublements d'espaces par illusion de simultanéïté."
Barbara Glowczewska
(…) "accélération, répétitivité, marche arrière en sautes et en boucles, des réversibilités et des redoublements d’espaces par illusion desimultanéité […] une illusion périodique d’avoir sur la même scène, nous pourrions dire piste ou image-écran un taureau, du sexe et des soldats à la bannière rouge… Je m’explique, pour moi les connotations entre les trois sont tellement vulgarisées de dérisoire au quotidien (rouge, cape, drapeau, violence, meurtre, désir, révolution, communisme, pouvoir, sang, sexe, etc. bla-bla…) que l’utilisation de ces surcharges me donnait l’espoir d’humour en traverse (et d’ailleurs ces images me font rire…) avec le risque peut-être souhaité d’y voir se dessiner par-delà toute intentionnalité, un nouveau profil désignifié et dépréjugé et dépassionné de sujets que bon gré mal gré nous avons « simultanément » dans la tête » (Barbara Glowczewski, « Socius psychique de la perception », Mémoire pour le séminaire « Anthropologie et psychanalyse » de Daniel Sibony et Michel D’Espagne, Paris 7, 1976-77)
Ma dénonciation humoristique d’alors était très différente du plaidoyer de Brakhage « d’élever la pornographie à une forme d’art » ou celle la cinéaste australienne, Valie Export, pour qui « toute représentation du sexe à l’écran est dangereuse » et doit être replacée dans une « confrontation directe avec le ‘réel’ »(note 15: David Curtis, Experimental cinema. A fifty year evolution, New York, Delta Books, 1971, p. 180), ce dont témoignaient divers happenings artistiques des années 1960-70. Pour ma part, dans Maladie d’amour, j’avais joué avec les clichés – en faisant par exemple défiler les soldats d’avant en arrière comme s’ils dansaient, ou battre les capes de toréador au rythme des copulations – pour renvoyer dos à dos comme « obscènes » le machisme de la sexualité, le symbolisme sexuel de la tauromachie, et la « pornographie » de la guerre encensée dans les défilés militaires. Mon montage initial du film sur une petite visionneuse manuelle durait 20 minutes, mais il comprenait tant de collures que son épaisseur matérielle fit décrocher la tireuse de copie au laboratoire : les 10 minutes récupérées montrent le glissement graduel du décrochage avec une ligne au milieu séparant le bas d’une image du haut de la suivante, comme si elles se chassaient l’une l’autre ; le non-étalonnage des couleurs changea le noir et blanc en rose tyrien et le rouge des capes de toréador et des drapeaux soviétiques en violet… Les tabous à l’égard des célébrations de la Révolution russe par le régime soviétique, autant que les préjugés sexuels avaient peut-être empêché certains spectateurs de capter la dérision de mon « dé-montage » de ces « actualités »
Extrait de B. Glowczewski, Collures: du cinéma expérimental à l'anthropologie, L'unebévue 30, 2013: p. 35-36)