"Ouverture, dix minutes, l'éveil d'une jeune beauté blonde, nue, étalée sur son lit en une posture goyesque. L'image naît d'une ligne verticale qui se distend progressivement en un rectangle qui occupe l'écran comme le timbre-poste la surface de l'enveloppe. Premier mouvement, statique, un décor tout horizontal (...).
Second mouvement, une heure. La caméra mallarméenne de Snow prise en main par le poète fait naître l'espace, les visages, les mouvements en long, en large, en hauteur, en gribouillage, sans perdre une seconde la cadence. Des scènes de magazine défilent, ni flashes photographiques ni sequences cinématographiques, deux mille plans assurent un confrère anglo-saxon. Drapeaux rouges en grappe, place italienne Renaissance, quotidien américain-canadien, poudreries d'oiseaux dans le ciel, un caribou mourant dans la neige, êtres jeunes ou vieux, un chat qui trottine à son caprice.
Cet art "minimal" de Michael Snow devient le grand art, musique pure, sous-tendue par une construction jamais rigide, mais réelle, où tout se rééquilibre."
Louis Marcorelles, "Le seul mouvement" à propos de la première française de Presents de Michael Snow au ciné-MBXA, Le Monde, Jeudi 18 novembre1982, Paris, p.14.
"Snow "présente" le masculin et le féminin, la création et la destruction, la construction et la mort, la tragédie et la comédie, le vrai et le faux non seulement comme des dichotomies, mais comme de profondes énergies évolutives" ...
"Ailleurs, Snow a écrit (c'est ici le sculpteur toujours présent en lui qui parle) qu'il y a seulement trois manières de faire (ou de construire) quelque chose, et que ce film, Presents , les met en oeuvre tous les trois : la manière additive (on ajoute ceci à cela), la manière soustractive (on enlève certains éléments pour créer une forme nouvelle) et le modelage (on façonne une matière malléable, par exemple de l'argile). La scène d'ouverture, qui est aussi le début de la partie "étroite" du film, est "modelée". Elle commence par une ligne sur l'écran, qui s'élargit tout en se comprimant latéralement pour former un rectangle, puis elle continue à se comprimer pour devenir une ligne verticale, avant de se répandre sur toute la surface à l'écran. L'image représente une femme nue étendue sur un lit dans une chambre à coucher aux couleurs pastel, d'aspect peu solide".
Max Knowles, Michael Snow : une filmographie, Trafic n°32, Hiver 1999.