Voix et Voir 1: mélodie et artifice

Voix et Voir 1: mélodie et artifice

Cinéma "Les 3 Luxembourg" 28 février 2008 à 21 heures
Programmation : Claudine Eizykman

Dès la fin des années 1920, les relations du cinéma et du son, de la vision et de l'audition, furent  effervescentes : refus et anathèmes, peur de la soumission du cinéma aux autres arts et du visuel au parlant; il en résulta néanmoins de véritables créations visuelles et sonores, entre images et sonorités, voir et voix proliférèrent dans l’avant-garde et l'ensemble des cinématographies. Parce que l'ouïe et la vue outrepassent la sphère des seuls sons et images, et engendrent des niveaux de complexité et d’interrelations multiples et réciproques, le sonore subit un déplacement de sa fonction habituelle qui est d'anticiper, d'amortir et d'harmoniser les effets de déstabilisation que les actions narratives peuvent produire. À l’inverse, c'est un spectre de transformations et d’échanges de sensations qui est exploré dans ce programme où la voix sculpte le voir.

Et si le jazz inaugura le sonore cinématographique public avec Le chanteur de Jazz et se retrouve avec la voix mélodieuse d’Ella Fitzgerald dans All my life (1966) de Bruce Baillie le Rock a stimulé d’étonnantes réalisations parmi lesquelles celles du cinéma expérimental. Ainsi dans Award Presentation to Andy Warhol (1964) de Jonas Mekas, le rock et les voix étales, scandées ou suaves des années 60 entrent en osmose avec les déplacements ralentis des stars de la Factory et d’Andy Warhol recevant le prix décerné par Film Culture. De même les voix proférées, chuchotées ou expulsées dans Soleil (1988) de Pierre Clémenti s’intriquent aux images. Et la mélopée étirée de T-Rex s'insinue aussi harmonieusement dans les séquences caricaturales d'émissions de la télévision américaine des années 40-50 que dans celles quasi-fluorescentes qui composent Last of The Persimmons (1972) de Pat O'Neill, insufflant une magie d'une arachnéenne sensualité à la vision d'un plaqueminier (ou d'un kaki) voué au sacrifice.

La voix enfantine de la comptine et du chantonnement confidentiel dans Les sorties de Charlerine Dupas (1981-83) qui renvoient aux débuts du cinéaste Joseph Morder, s’oppose à la voix puissante de la cantatrice Joan La Barbara dans Voice Windows de Steina et Woody Vasulka, qui est emportée et transformée simultanément avec les sons et les images de visages.

 Zefiro Torna or Scenes from the Life of George Maciunas, est le film souvenir que Jonas Mekas a réalisé de son ami disparu,  fondateur de Fluxus; comme dans presque tous les films de Jonas Mekas, c'est sa propre voix naturelle et poignante, modelée par les événements de sa vie qui saisit et enveloppe d'emblée le spectateur conduisant, accompagnant sa vision.  

Claudine Eizykman

Award Presentation to Andy Warhol, de Jonas Mekas, 1964, 12', 16mm, n&b, musique : son Motown de Chicago. Prises de vue : Jonas Mekas et Gregory Markopoulos.
"Le prix du film indépendant de l'année1964 est décerné à Andy Warhol. On voit Andy au milieu de ses stars les plus importantes Baby Jane Holzer, Gerry Malanga, Ivy Nicholsen..." Jonas Mekas.

All my life, de Bruce Baillie 1966, 3', 16mm, couleur, musique: "All my life", Ella Fitzgerald avec Teddy Wilson et son orchestre.
"All my life est juste une image toute simple – une haie couverte de roses sauvages rouges – et un chant . Un haiku. "Jonas Mekas.

Last of the Persimmons, de Pat O'Neill, 1972, 5', 16mm, couleur, musique: "Is it Love?" de T.Rex, hands : Tinta China.
"Dans les années 70, l'avant-garde Californienne s'est déplacée à Los Angeles (...) l'ouverture, l'humour, l'aménité et l'ironie, l'attention portée aux clichés californiens et au débordement d'images persistent comme l'attestent By the sea et The last of the Persimmons." Claudine Eizykman.

Soleil, de Pierre Clémenti, 1988, 16', 16mm, couleur, musique : John Livingood, paroles écrites et récitées par Pierre Clémenti.
"Errances nocturnes dans Paris métamorphosé, accompagné par la voix de Pierre Clémenti qui clame un constat et profère un cri existentiel." Claudine Eizykman

Les sorties de Charlerine Dupas : hiver, de Joseph Morder, 1981-83, 3'19, 35mm, couleur.
Avec : Stéphanie Brière et Anne Vorms
"Ce jour là, Charlerine sortit, toujours prise d'une envie irrésistible de tuer, tuer, tuer..."Joseph Morder.

Voice Windows, de Steina et Woody Vasulka et Joan La Barbara, 1986, 8', Vidéo, couleur, musique et voix : Joan La Barbara.
"La chanteuse et compositrice Joan La Barbara interprète une série de chants et d'intonations, créant des motifs dynamiques sur une grille formée de lignes horizontales, qui rappelle une gamme musicale." Steina et Woody Vasulka

Zefiro Torna or Scenes from the life of George Maciunas, de Jonas Mekas, 1992, 34', 16mm, couleur.
"La vie de George Maciunas, ses parents, ses amis ; de 1952 à 1978, événements de Fluxus :rencontres, réunions d'amis comme Yoko Ono, Peter Moore, John Lennon, Andy Warhol, Almus Salcius etc...Bande-son : moi-même lisant mes diaries." Jonas Mekas.